Orientations en matière de réaménagement de carrières

9.1. Généralités

Par réaménagement, on entend l’ensemble des opérations de remise en état des sols, qui est obligatoire pour l’exploitant, et l’aménagement éventuel qui consiste en des travaux complémentaires permettant de valoriser le terrain et de le rendre apte à une utilisation déterminée, généralement différente de sa vocation première.

Une bonne remise en état des sols, pour être pleinement efficace, doit être guidée par les principes d’aménagement ultérieur. Les grandes lignes du réaménagement doivent être réfléchies, prévues au stade le plus précoce possible et leur mise en oeuvre doit commencer en cours d’exploitation. En effet, un aménagement sera d’autant plus coûteux qu’il n’aura pas été envisagé lors de l’exploitation et de la remise en état. Toutefois, les techniques et/ou les idées peuvent évoluer dans le temps (notamment lorsque l’autorisation est de longue durée) et le projet d’aménagement ne doit pas être définitivement figé mais pouvoir faire l’objet de modifications ultérieures éventuelles, en accord avec toutes les parties concernées.

Le choix du parti d’aménagement doit se faire en concertation et doit répondre sinon à un besoin, du moins à un souhait éventuel des collectivités locales.

C’est dans le cadre de l’arrêté d’autorisation que sont définies les conditions de remise en état de la carrière, dont le but est l’insertion satisfaisante du site dans le paysage, après exploitation. Il est donc difficile d’établir des prescriptions techniques uniformes dans ce domaine.

Les règles générales sont les suivantes, quel que soit le parti d’aménagement envisagé :

  • il faut obtenir un modelé topographique stable, aussi agréable à l’oeil que possible et bien intégré dans le paysage. Un soin tout particulier doit être apporté à l’enlèvement, au stockage et à la réutilisation des terres de découverte, en particulier la terre végétale,
  • pour des raisons de sécurité, les berges (gravières en eau) et les parois en terrains meubles doivent être talutées et les fronts de tailles en roches calcaires purgés pour éviter les chutes de blocs. Les accès dangereux doivent être condamnés et les parois verticales (cas des carrières calcaires) protégées par une solide clôture,
  • on évitera autant que possible les formes géométriques, les arbres régulièrement espacés et les berges trop uniformes pour ne pas donner l’impression d’une création artificielle,
  • la végétation que l’on envisage de mettre en place doit être adaptée à la nature du sol qui lui servira de support et se composer de préférence d’espèces locales, sauf dans le cas de réaménagements paysagers à vocation de loisirs.

Dans le cas du réaménagement naturel, il faut favoriser la diversité et proposer des types d’aménagement optimaux, adaptés aux conditions du milieu (altitude, climat, espèces…). C’est pourquoi, pour compléter les principes généraux de réaménagement décrits dans les paragraphes qui suivent, une étude spécifique serait nécessaire, visant à localiser et caractériser les principaux types de milieux existants dans le département du Jura et, pour chacun d’eux, indiquer les principes de réaménagement à privilégier.

9.2. Carrières en eau

Il s’agit des carrières ouvertes dans le lit majeur des rivières. L’exploitation des granulats pénètre dans la nappe phréatique et crée des plans d’eau plus ou moins étendus, plus ou moins profonds.
La première règle est d’éviter impérativement le mitage du paysage par des plans d’eau.

9.2.1. Remblayage
Les matériaux de découvertes extraits sur le site servent en grande partie à la remise en état des sols et ne permettent de remblayer qu’une petite partie du bassin. Il est recommandé de ne pas immerger la terre végétale mais plutôt de l’utiliser pour la végétalisation des berges et des abords.
L’étude des aptitudes hydrogéologiques des carrières du Jura au comblement par déchets inertes (cf. § 8 et annexe 8) montre que les gravières en eau sont des sites très vulnérables et que l’apport de matériaux inertes n’est pas sans risque, l’innocuité de ces derniers n’étant jamais certaine et difficile à contrôler dans la pratique. Par ailleurs, les matériaux déposés doivent avoir une perméabilité suffisante pour ne pas perturber l’écoulement de la nappe.
Dans ces conditions, compte-tenu des risques de pollution des eaux souterraines, il est dans tous les cas déconseillé de remblayer les gravières en eau avec des apports étrangers, sauf en cas de nécessité, pour des bassins de faible envergure, et sous réserve d’un contrôle extrêmement rigoureux de la provenance et de la nature des matériaux.

9.2.2. Mise en valeur écologique
La valeur écologique d’une gravière en eau est directement liée aux habitats créés pour la flore et la faune, en fin d’exploitation. Leur nombre, leur étendue, leur diversité (berges douces et abruptes, zones de marécages, substrats divers…) en déterminent l’intérêt biologique. Elle est liée à la valeur écologique de l’environnement du site : plus l’environnement à proximité de la gravière sera riche et varié (prairies, bocages, zones humides…), plus le milieu neuf se colonisera facilement et rapidement pour acquérir un intérêt écologique.
Pour aboutir à une remise en état des lieux qui optimise la valeur écologique future du site, un certain nombre de mesures doivent être prises tant en cours d’exploitation qu’à la fin des travaux :

  • favoriser un plan d’eau de grandes dimensions,
  • prévoir un contour aussi sinueux que possible,
  • diversifier les berges (pentes variées),
  • prévoir des zones d’eau peu profonde (hauts fonds),
  • empêcher l’écoulement des eaux de surface dans la gravière,
  • limiter les accès.
    Il est évident qu’un tel aménagement ne peut se faire qu’en étroite collaboration avec l’exploitant. La décision d’une mise en valeur écologique d’une gravière en eau doit donc être prise très tôt afin que les travaux d’aménagement envisagés puissent être réalisés progressivement, au fur et à mesure de l’avancement de l’exploitation.

9.2.3. Base de loisirs polyvalente
L’aménagement en base de loisirs et touristique (baignade, canotage, planche à voile…) nécessite peu de travaux au niveau des plans d’eau eux-mêmes (talutage des berges, reprofilage, création d’une plage, embarcadère léger…). Il n’en est pas de même pour les abords qui doivent être attractifs et, pour cela, suffisamment spacieux et dotés d’équipements aussi variés que possible : parking, terrain de camping, aire de pique-nique, hangar à bateaux, sanitaires, cours de tennis, jeux d’enfants, chemins piétonniers…, éventuellement restaurant, mini-golf, etc…
Dans tous les cas, l’utilisation d’engins nautiques motorisés est à proscrire.
Il faut savoir que toutes ces installations sont coûteuses et nécessitent beaucoup d’espace autour des plans d’eau. Par ailleurs, leur pérennité dépendra du soin apporté à leur entretien par l’organisme gestionnaire.

9.2.4. Bassin de pêche et pisciculture
L’aménagement d’une gravière en bassin de pêche de loisir ou de pisciculture ne nécessite pas de travaux particuliers importants au niveau du plan d’eau. Ces travaux consistent en une rectification éventuelle des berges et une mise en végétation, suivies d’un alevinage.
Il convient d’éviter des berges trop rectilignes, d’aspect artificiel et peu esthétiques et, pour des raisons de sécurité, des talus trop abrupts. Les plantations ont pour but de fixer les talus et de fournir de l’ombre et une diversité biologique au milieu aquatique.

9.3. Carrières sèches

9.3.1. Remblayage

  • En milieu alluvionnaire, dans les dépôts fluvio-glaciaires ou plio-quaternaires, les carrières sont généralement hors d’eau, mais le toit de la nappe est souvent peu profond. Dans ces conditions, le site est à peine moins vulnérable (le risque d’impact hydrodynamique étant exclu) qu’une carrière en eau. Si l’épaisseur de la couche non saturée sous le fond de la carrière est insuffisante, les mêmes précautions que pour les carrières en eau sont à prendre (cf. § 8.2.1).
  • En milieu calcaire, les carrières sont des sites perméables, vulnérables, qui, eux aussi, ne peuvent admettre que des matériaux de remblayage strictement inertes.
  • En milieu marneux ou argileux, les carrières sont les plus favorables du point de vue hydrogéologique au remblaiement, dans la mesure où l’on maîtrise bien les eaux de surface. Elles constituent des sites privilégiés pour les décharges contrôlées de classe II, voire I dans certaines conditions. Elles sont malheureusement rares et c’est pourquoi, dans la mesure où les autres contraintes environnementales le permettent, elles doivent être réservées à cet usage.

Quel que soit le type de carrière, tout projet de remblayage, par tout type de matériau, doit faire l’objet d’une étude hydrogéologique de faisabilité.

9.3.2. Réaménagement agricole
En milieu rural, il est possible de restituer les terrains en vue d’un usage agricole. Cette option s’applique aux gravières hors d’eau et, d’une manière générale, aux carrières peu profondes par rapport à leur surface (pour éviter l’ombre des parois et la stagnation d’air froid) et ayant un fond drainant pour éviter la stagnation de l’eau.
Il est nécessaire de disposer de matériaux meubles en quantité suffisante pour recouvrir le fond d’une couche épaisse au minimum de 0,50 m. Les travaux consistent, après rectification et talutage des parois, à reprendre et à étaler sur le fond de l’excavation les terres de découverte puis la terre végétale, en évitant le compactage.
Du fait de ces contraintes et de la faible pression agricole, ce mode de réaménagement est peu pratiqué et n’est pas recherché de nos jours.
Il y a une dizaine d’années, une opération pilote de réaménagement agricole, financée par la Taxe parafiscale sur les granulats a été réalisée dans une carrière de matériaux fluvio-glaciaires, à Crotenay.

9.3.3. Reboisement
Dans les carrières de toutes tailles, surtout en milieu boisé, on pourra reconstituer une zone défrichée par l’exploitation ou créer un nouveau boisement.
Les plantations d’arbres nécessitent une épaisseur minimale de sols meubles importante, par exemple 0,40 m pour le bouleau ou le pin noir, 0,50 m pour le sapin ou le mélèze, et jusqu’à 0,80 m pour les feuillus.
Les travaux consistent à reconstituer un sol comme indiqué dans le paragraphe précédent et à protéger les jeunes plants contre les prédateurs.
Des analyses de sols et les conditions climatiques permettent de choisir les essences les mieux adaptées.
Si la carrière est de grande dimension, on peut ne reboiser qu’une partie du carreau et essayer de créer plusieurs milieux diversifiés (partie reboisée, partie en pelouse, partie en zone humide…, par exemple).

9.3.4. Autres aménagements
La reconstitution d’un sol en fond de carrière peut avoir une vocation autre qu’agricole ou forestière. Suivant l’importance de la carrière, sa situation géographique, son exposition, le site peut être aménagé :

  • en espace vert,
  • en parc de loisirs,
  • en terrain de sports,
  • en zone d’activités artisanales.

9.3.5. Cas des carrières de roches massives à flanc de relief
La première préoccupation sera la mise en sécurité du site :

- Pose d’une clôture solide au sommet de la paroi pour prévenir les accidents de personnes.

- Purge soigneuse du front de taille pour éviter les chutes de blocs. Toutefois, cette opération risque d’avoir un effet limité dans le temps, si la roche est très fracturée. Dans ce cas, il faut, soit interdire l’accès au front de taille, soit mettre en place un dispositif de protection contre les chutes de blocs (filets grillagés, piège à blocs en pied de paroi…).

La seconde préoccupation sera l’insertion du front de carrière dans son environnement.

Lorsqu’il n’y a pas de vue lointaine de la carrière ou lorsque le front de taille est relativement peu élevé, un merlon planté d’arbres mis en place à l’entrée du site peut suffire à effacer le front de taille des vues rapprochées.

Dans les cas contraires, il faut reconnaître que l’aménagement des fronts de taille n’est pas facile. Différentes techniques sont utilisées avec plus ou moins de succès :

  • revégétalisation des banquettes, avec plantes grimpantes ou tombantes le long des parois,
  • pose de filets (genre filets de camouflage) et projection de substances végétales à travers ceux-ci,
  • application d’une teinture réactive pour donner au front de taille une patine artificielle analogue à celle des rochers environnants qu’il mettrait, sinon, très longtemps à acquérir…
    Le plancher de la carrière, quant à lui, peut faire l’objet de divers aménagements dans les mêmes conditions que celles décrites dans les paragraphes ci-avant.

9.3.6. Témoins géologiques
Dans le cas où l’exploitation d’un gisement mettrait à jour des terrains présentant un intérêt géologique particulier du point de vue stratigraphique, paléontologique ou structural, il devra en être conservé un témoin en place, quel que soit le parti de réaménagement final envisagé.

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