Généralités

2.1. Cadre géographique et géologique (cf. figure 1)

Le département de la Haute-Saône a une superficie de 5 360 km2 et compte environ 232 500 habitants.
Il s’étend entre le massif des Vosges à l’Est et le "seuil" du Morvan à l’Ouest (au Nord de Dijon) ; il est limité au Sud par la vallée de l’Ognon.
Les formations cristallines et éruptives du socle ancien (hercynien) n’affleurent qu’en bordure méridionale des Vosges, à l’extrémité nord-est du département. Partout ailleurs, le socle ancien, profond, est recouvert par des formations sédimentaires qui s’échelonnent du Permo-carbonifère au Tertiaire, l’âge des terrains étant de plus en plus récent au fur et à mesure que l’on s’éloigne des Vosges, vers l’Ouest et vers le Sud.
La région est drainée par de nombreuses rivières appartenant toutes au bassin versant de la Saône, cours d’eau principal qui traverse le département dans sa partie nord-ouest. Des alluvions quaternaires fluviatiles ou fluvio-glaciaires se sont déposées dans le fond et, localement, sur les bords des principales vallées (Saône, Ognon, Rahin, Lanterne, Semouse).
D’Est en Ouest, on distingue les principales unités structurales suivantes :

  • L’extrémité méridionale des Vosges, rattachée au Massif des Ballons, où le socle ancien affleurant est constitué par des roches volcaniques ou volcano-sédimentaires très variées, d’âge viséen, ainsi que par des granites et roches cristallines associées.
  • Une vaste dépression périphérique formant une auréole qui s’étend depuis l’extrémité septentrionale du département jusqu’au Nord d’Héricourt. Cette région est occupée par des terrains le plus souvent tendres, à dominante marneuse, appartenant au Trias et au Lias ou au Permo-carbonifère dans sa partie méridionale, qui correspond au bassin houiller de Ronchamp, jadis exploité. En bordure sud de ce bassin, émergent deux pointements du socle ancien constitués par des terrains éruptifs : le massif du Salbert et le massif de Chagey.
  • Les plateaux jurassiques de Vesoul s’étendant entre la vallée de l’Ognon et un grand accident tectonique majeur (faille) qui se suit depuis Faverney jusqu’à Pesmes, en passant par Fretigney. La structure est compartimentée par de nombreuses failles.
  • La plaine de la Saône comprise entre la faille précédente et la rivière. Cette région correspond à un bassin d’effondrement en relation avec la plaine de Bresse, où les terrains jurassiques sont recouverts par des dépôts tertiaires.
  • Les plateaux jurassiques de Combeaufontaine et de Champlitte, au Nord-Ouest de la Saône, beaucoup moins accidentés que les plateaux de Vesoul.

Voir la figure 1 - Les grands ensembles structuraux du département de la Haute-Saône

2.2. Nature et origine des matériaux exploités

Du point de vue géologique ou géotechnique, on distingue deux grandes sortes de roches susceptibles de fournir des granulats : les roches meubles et les roches massives, cohérentes, plus ou moins dures.

2.2.1. Roches meubles

Les roches meubles donnent des granulats naturels généralement roulés. Il peut s’agir :

  • soit, d’alluvions récentes, d’origine fluviatile, déposées dans les basses plaines alluviales (lit mineur et lit majeur) des principaux cours d’eau (Saône, Ognon, Rahin, Lanterne, Semouse),
  • soit, d’alluvions plus anciennes, d’origine fluviatile, glaciaire ou fluvio-glaciaire, formant localement des terrasses qui dominent la basse plaine alluviale à des altitudes variées, ou étalées en placages plus ou moins étendus sur les reliefs.

Toutes ces formations, issues du démantèlement du massif vosgien, sont de nature principalement siliceuse.
Sont rattachés également aux roches meubles, les schistes houillers, résidus d’exploitation des anciennes mines de charbon, accumulés sous forme de terrils dans le secteur de Ronchamp.

2.2.2. Roches massives

Les roches massives, à partir desquelles on fabrique des granulats de concassage, peuvent être classées en deux catégories principales : les roches massives calcaires et les roches massives de nature siliceuse ou roches éruptives.

a) Roches massives calcaires

Les roches massives calcaires, d’origine sédimentaire, sont particulièrement abondantes dans la série stratigraphique du territoire de la Haute-Saône :

  • Muschelkalk supérieur : calcaires et calcaires dolomitiques,
  • Jurassique moyen :
    • Bajocien : calcaires organo-détritiques, à entroques, calcaires à polypiers, calcaires oolithiques,
    • Bathonien : calcaires compacts homogènes, sublithographiques, localement graveleux,
  • Jurassique supérieur :
    • Oxfordien supérieur ou "Rauracien" : calcaires oolithiques et bioclastiques et calcaires à polypiers,
    • Kimméridgien inférieur ("Séquanien") et supérieur : calcaires à pâte fine, calcaires crayeux souvent plus ou moins gélifs, calcaires oolithiques ; fréquentes intercalations marneuses,
  • Portlandien : calcaires compacts à pâte fine, sublithographiques.

b) Roches massives siliceuses ou éruptives

Les roches massives, de nature siliceuse, appartiennent au socle hercynien vosgien (Vosges saônoises et Massif de Chagey) :

  • roches cristallines : granites, microgranites,
  • ou roches éruptives : rhyolites, dacites et roches associées désignées sous le terme général de "porphyre" par les carriers.
    La carte de l’annexe 1 montre la répartition approximative des aires d’affleurement de ces diverses formations géologiques, dans le département de la Haute-Saône.

2.3. Conditions de gisement

2.3.1. Roches meubles

Les alluvions récentes, localisées dans le fond plat des principales vallées, sont constituées par des granulats naturels roulés, plus ou moins grossiers, sablo-graveleux, avec des galets en proportions variables. Elles sont surmontées par des dépôts fins, limoneux (limons de débordement) ou argilo-sableux qui constituent la "découverte" des gisements.
Les alluvions sablo-graveleuses sont généralement aquifères sur tout ou partie de leur épaisseur et les nappes qu’elles constituent sont recherchées et exploitées pour l’alimentation en eau potable des collectivités.
L’épaisseur des alluvions exploitables, le plus souvent comprise entre 3 m et 7 m, peut dépasser localement 10 m (chenaux de surcreusement).
L’épaisseur des argiles et limons de couverture varie de 0,50 m à 2 m mais peut atteindre localement 4 m.
Les alluvions anciennes des terrasses et les dépôts fluvio-glaciaires sont assez mal connus. D’épaisseur très variable, ils sont généralement plus hétérogènes, hétérométriques, et plus argileux que les alluvions récentes. En grande partie hors d’eau, ils présentent peu ou pas d’intérêt pour l’alimentation en eau potable.
Certaines roches massives sont disloquées et plus ou moins altérées superficiellement sur une épaisseur pouvant atteindre plusieurs mètres. Elles donnent alors un matériau argilo-caillouteux exploité parfois comme tout-venant.
Les schistes houillers du secteur de Ronchamp, résidus de l’ancienne exploitation du charbon, ont été mis en remblai sur des épaisseurs pouvant atteindre une trentaine de mètres.

2.3.2. Roches massives

a) Roches massives calcaires
Les calcaires sont des roches sédimentaires, stratifiées en bancs d’épaisseur variable, et présentent différents faciès. Le grain peut être plus ou moins grossier (calcaires oolithiques, calcaires à entroques) ou, au contraire, très fin (calcaires sublithographiques et lithographiques). Ils sont tantôt compacts, durs et résistants, tantôt plus ou moins poreux, parfois d’aspect crayeux et sont alors sensibles au gel. Il en résulte que les caractéristiques géotechniques des granulats fabriqués à partir de roches calcaires sont très inégales.
Les séries calcaires sont épaisses de plusieurs dizaines de mètres, mais, dans une même formation, les variations de faciès sont fréquentes, tant verticalement que latéralement ; le calcaire est parfois pollué par des impuretés argileuses diffuses dans la masse (calcaires argileux), ou sous forme d’intercalations (marno-calcaires).
La découverte, souvent limitée à quelques décimètres de terre végétale, peut, localement, être beaucoup plus importante, sous forme d’argiles résiduelles de décalcification, en rapport avec les phénomènes de karstification.

b) Roches massives siliceuses
Le socle hercynien de la bordure méridionale des Vosges et des petits massifs du Salbert et de Chagey comporte un cortège de roches volcaniques (orthophyres, kératophyres, andésites, trachytes, labradorites, rhyolites, dacites…) et pyroclastiques (tufs et brèches) variées. L’ensemble est traversé par des granites intrusifs, généralement porphyroïdes, et roches associées (microgranites, syénodiorites).
Aucune étude générale, visant à caractériser géotechniquement les différentes roches volcaniques de la bordure méridionale des Vosges n’a été entreprise à ce jour. Situés dans une région excentrique, au relief accidenté, ces matériaux sont mal connus. Souvent hétérogènes, la plupart d’entre eux sont, en outre, altérés sur une grande épaisseur. En revanche, certaines formations comme les tufs rhyodacitiques, exploités à Lepuix-Gy (Territoire de Belfort) donnent des granulats d’excellente qualité.
Les formations volcaniques ont des épaisseurs variables mais souvent très importantes, supérieures à 100 m (plus de 400 m pour les tufs rhyodacitiques de Lepuix-Gy).

2.4. Conditions d’exploitation

Les conditions d’exploitation sont très différentes selon qu’il s’agit de matériaux meubles ou de roches massives.
Les gisements de matériaux meubles sont facilement accessibles et s’exploitent aisément avec différents types de matériels de terrassement ou de dragage, l’extraction se faisant en grande partie dans l’eau, du moins en ce qui concerne les alluvions récentes des rivières, les plus sollicitées. Compte-tenu de leur épaisseur relativement modeste, les matériaux sont extraits en un seul gradin, une fois la découverte réalisée.
Pour exploiter les roches massives, il est nécessaire d’utiliser l’explosif et de disposer d’un matériel plus puissant et plus lourd, notamment en ce qui concerne les installations de concassage. Selon l’épaisseur du gisement, l’extraction se fait en un ou plusieurs gradin(s).
Du point de vue impact sur l’environnement, chacun des deux types de gisements présente des avantages et des inconvénients :

  • Les gisements se présentant sur des épaisseurs limitées, voire très faibles dans les gravières, l’emprise au sol y sera beaucoup plus forte que dans les carrières de roche massive. A l’inverse, l’impact paysager y est plus faible, surtout si une végétation arbustive existante est maintenue, alors que les parois de calcaires sur de grandes hauteurs sont plus difficiles à dissimuler. La fréquente lenteur de l’extraction et celle du vieillissement du matériau, accentuent ces inconvénients.
  • Les gravières se créent le plus souvent au détriment de terres agricoles de valeur économique ou agronomique assez élevée, mais de valeur écologique parfois faible ou nulle. Les carrières de roche calcaire, par contre, couvrent et détruisent des territoires souvent abandonnés par l’agriculture, qui présentent de plus en plus souvent une valeur écologique forte à exceptionnelle.

Par ailleurs, on connaît bien les problèmes, sources de conflit permanent, liés à la double utilité des alluvions fluviatiles qui constituent à la fois un réservoir d’eau potable souterrain très sollicité, devant être protégé, et un réservoir de granulats tout aussi important et sollicité.
Les nuisances dues au bruit et aux poussières (tirs de mines, transport, concassage) sont globalement plus importantes dans les carrières de roches massives que dans les gravières où les matériaux sont naturellement humides et où l’on dispose, sur place, de l’eau nécessaire au lavage des granulats.
Les exploitations de matériaux alluvionnaires aboutissent généralement à la création de plans d’eau qui, du point de vue réaménagement, offrent plus de possibilités, notamment au niveau des activités de loisirs à vocation aquatique (baignade, planche à voile, pêche), ou écologique. (réserve naturelle…) ; la recolonisation par des espèces pionnières y est assez rapide. Pour les carrières de roches massives, la revégétalisation des fronts de taille et le reboisement, solution souvent envisagée, est délicate à mettre en oeuvre dans la pratique du fait, notamment de la faible quantité de terre végétale disponible. Par contre, si la recolonisation spontanée y est lente, les anciennes carrières évoluent fréquemment vers des milieux naturels d’une grande diversité et d’une grande richesse, pour peu que leurs configurations ou leurs réaménagements y soient rendus favorables par quelques dispositions simples et légères.

2.5. Principales caractéristiques des matériaux

2.5.1. Matériaux meubles

  • Les alluvions fluviatiles récentes des principales rivières de Haute-Saône sont naturellement lavées et ne renferment qu’une faible proportion de fines argileuses ou limoneuses. Issues du démantèlement des roches du massif vosgien, elles sont de nature essentiellement siliceuse. De par leur mode de formation, elles sont constituées par des éléments des roches les plus dures, ayant résisté à l’usure et à l’altération au cours des différentes phases (démantèlement des roches mères, transport, sédimentation) de la genèse de ces dépôts. C’est ce qui explique leurs bonnes caractéristiques géotechniques. La granulométrie des alluvions varie d’un bassin à l’autre et, d’une manière générale, devient de moins en moins grossière d’amont en aval.
  • Les alluvions anciennes, fluviatiles, glaciaires ou fluvio-glaciaires sont constituées par des éléments de même nature que ci-dessus, mais dont certains sont parfois plus ou moins altérés. Par ailleurs, elles sont généralement plus hétérométriques et, surtout, plus argileuses. Peu exploitées, leurs caractéristiques géotechniques sont encore mal connues.

2.5.2. Roches massives

a) Roches massives calcaires
Les calcaires de Haute-Saône peuvent être regroupés en trois catégories, en fonction de leurs faciès et de leurs caractéristiques géotechniques moyennes :

  • les calcaires du Bathonien sont compacts, durs, homogènes, non gélifs, et possèdent des caractéristiques géotechniques comparables à celles de certaines alluvions récentes,
  • les calcaires du Bajocien et du "Rauracien", moins homogènes, présentent différents faciès, durs à moyens, mais peu ou pas gélifs,
  • les calcaires du "Séquanien" et du Kimméridgien supérieur sont hétérogènes et comportent des niveaux de calcaires durs à moyens, alternant avec des niveaux de calcaires tendres, crayeux, parfois gélifs.

Les calcaires du Muschelkalk supérieur sont peu exploités et mal connus. A priori, d’après leur faciès, ils se rapprochent des roches de la deuxième catégorie.
b) Roches massives siliceuses
Quelques carrières de matériaux éruptifs sont en exploitation dans les Vosges saônoises : Saint-Barthélémy, Amont et Effreney, Saulnot… Les exploitations les plus importantes sont situées dans le Territoire de Belfort (tufs rhyodacitiques de Lepuix-Gy et Rougemont-le-Château).

Les roches du massif de Chagey, plus ou moins altérées, ont des caractéristiques moindres.

Le tableau de la figure 2, tiré de la synthèse départementale des exploitations de carrières de Haute-Saône, donne, pour chacune de ces formations, les valeurs :

  • de la résistance au choc (Essai Los Angelès = LA),
  • de la résistance à l’usure (Essai Micro Deval en présence d’eau = MDE),

ainsi que les domaines d’utilisation des granulats pour les assises de chaussées et de couches de roulement (classification suivant Directive du SETRA et du LCPC - avril 1984). A cet égard, on notera qu’aucun matériau de classe A n’est extrait en Haute-Saône. Actuellement, seuls les tufs rhyodacitiques, roches très dures (LA = 14/15, MDE = 6 à 8), exploités dans le Territoire de Belfort, ont les qualités requises.

2.6. Domaines d’utilisation des granulats

  • Les alluvions récentes des principales rivières, de nature siliceuse, possèdent de bonnes caractéristiques géotechniques qui permettent leur utilisation aussi bien pour la fabrication des bétons hydrauliques qu’en viabilité pour la réalisation des différentes couches de chaussées sauf les enduits superficiels trafic important (matériaux de classe B) et les couches de roulement trafic important (matériaux de classe C).
  • Les alluvions anciennes, fluviatiles, glaciaires ou fluvio-glaciaires, matériaux plus hétérogènes et généralement plus ou moins argileux, sont utilisées comme tout-venant pour les remblais courants.
  • Les roches massives calcaires, dures (catégorie C) à moyennement dures (catégorie D) conviennent à la plupart des usages routiers : couches de forme, couches de fondation, couches de base pour routes à trafic moyen ainsi qu’à la fabrication des bétons. En revanche, elles sont généralement inutilisables pour les couches de roulement car elles n’ont pas un CPA (coefficient de polissage accéléré) suffisamment élevé.
  • Les roches massives calcaires tendres (catégorie E) sont utilisables en remblai ou en couches de chaussées, dans certaines conditions, avec ou sans traitement, à définir selon le trafic.
  • Les roches éruptives, lorsqu’elles sont saines, donnent les granulats les plus durs et les plus résistants (notamment à l’usure) que l’on puisse trouver dans la région et conviennent à tous les usages (bétons, toutes couches de chaussées, y compris bétons bitumineux et enduits superficiels, ballast SNCF).
  • Les schistes houillers, résidus de l’exploitation des mines de charbon de la région de Ronchamp, ont, jusqu’à présent, été très peu exploités comme granulats (une seule entreprise les utilisant pour fabriquer des boisseaux). Ils se présentent sous trois faciès différents :
    • schistes noirs bruts, renfermant encore un certain pourcentage (10 à 15%) de charbon,
    • schistes noirs traités (dans les années 1980), qui ont été "purifiés" par extraction et récupération du charbon résiduel,
    • schistes rouges "brûlés", dans lesquels le charbon résiduel a disparu par ignition, laissant un matériau riche en silice.

Des études récentes ont montré que les schistes houillers peuvent être utilisés pour les remblais et les couches de forme.

Remarque :

  • En viabilité, on utilise indifféremment des matériaux concassés à partir de roches massives ou des matériaux roulés, d’origine alluviale (sauf pour certaines couches de roulement).
  • Pour la fabrication des bétons, une large préférence est donnée aux granulats roulés qui, indépendamment des caractéristiques mécaniques, présentent certains avantages par rapport aux granulats concassés (cf. § 5.1.2).

Les utilisations possibles des granulats de Haute-Saône, selon leur qualité, en techniques routières et pour la fabrication des bétons, sont présentées en détail dans l’annexe 2.

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