La continuité écologique

De par son histoire, l’homme s’est toujours installé près des cours d’eau. Ces derniers offrent de multiples atouts comme la force hydraulique ou encore des voies de communications privilégiées reliant les territoires. L’homme a donc érigé des ouvrages le long ou au fil des cours d’eau pour subvenir à ses besoins. Avec la modernisation des process et des procédés, un grand nombre de ces ouvrages sont devenus obsolètes. Ils ne sont plus utilisés et sont abandonnés. Actuellement, la continuité écologique des cours d’eau est très entravée. On dénombre plus de 100 000 obstacles en France métropolitaine et plus de 9000 ouvrages en Bourgogne-Franche-Comté (BFC). C’est l’Office Français pour la Biodiversité (OFB) qui recense ces derniers et met à disposition la donnée récoltée via le Référentiel des Obstacles à l’Écoulement (ROE). La présence de ces seuils peut engendrer de fortes perturbations aux milieux aquatiques, notamment à la faune piscicole.

Localisation des ouvrages transversaux présents sur les cours d'eau

1 - Les indicateurs de pression

Au niveau national, il existe un outil élaborant un diagnostic écologique de nos rivières : SYRAH-CE. C’est le Système Relationnel d’Audit de l’Hydromorphologie des Cours d’Eau. C’est un système d’aide à la décision qui vise à identifier le risque d’altération hydromorphologique et à évaluer l’inhérente dégradation de l’ « état écologique », via une approche par tronçon de cours d’eau. Grâce à cet outil et le travail de l’OFB, trois indicateurs de pressions à l’hydromorphologie ont été identifiés :

1.1 - La densité des obstacles

202012 densites obstacles
Source : Office Français de la Biodiversité

Les ouvrages transversaux sont à l’origine de ruptures dans la continuité longitudinale des cours d’eau. Les écoulements et le régime hydrologique sont modifiés. La transformation d’eaux courantes en une succession de retenues a de multiples impacts (uniformisation des écoulements, modification de température, augmentation de l’eutrophisation, diminution de l’oxygène dissous, accroissement de l’évaporation en étiage, augmentation des hauteurs d’eau en amont des ouvrages…). Le transport de matériaux solides est aussi fortement affecté par les obstacles. Le déficit de transports sédimentaires à l’aval entraîne des altérations de la dynamique du cours d’eau (érosion à l’aval, enfoncement du lit, disparition de substrats favorables à la reproduction des espèces aquatiques …). Deux effets majeurs sont indissociables des ouvrages en cours d’eau : l’effet « retenue » et l’effet « barrière ».

1.2 - L’effet « retenue » (ou taux d’étagement) : C’est un indicateur de l’impact des ouvrages sur le ralentissement de l’écoulement à l’amont des ouvrages qui provoque une homogénéisation des habitats liée à l’ennoiement du cours d’eau, une perte de radiers propices au frai, une modification des propriétés physico-chimiques de l’eau (notamment sa température et sa teneur en oxygène dissous). (Berthier et Steinbach, 2016).

Un taux d’étagement proche de 100 % signifie que la quasi-totalité du linéaire de cours d’eau se caractérise par des habitats aquatiques typiques de « retenue d’eau ». Inversement, un taux d’étagement proche de 0 % signifie que la quasi-totalité du linéaire se caractérise par des habitats aquatiques typiques de « cours d’eau » (en l’absence d’autres facteurs d’altération). Plus le taux d’étagement est élevé, plus les cours d’eau est les peuplements piscicoles sont dégradés. Par exemple, l’Yonne, la Saône, l’Ognon ou l’Ain sont fortement impactés par cet effet retenue.

202012 etagement
Source : Office Français de la Biodiversité

1.3 - L’effet « barrière » (ou taux de fractionnement) : Il s’agit de l’altération de la libre circulation longitudinale des organismes vivants vers l’amont ou vers l’aval, notamment des poissons, ou du blocage du transfert des sédiments, vers l’aval. (Berthier et Steinbach, 2016)

202012 fractionnement brut
Source : Office Français de la Biodiversité

Pour aller plus loin : Rapport final


2 - Quels sont les enjeux ? : la restauration de la continuité écologique est primordiale pour stopper l’érosion de la biodiversité et permettre à la faune piscicole de réaliser son cycle de vie.

La restauration de la continuité écologique revêt une importance majeure dans l’atteinte des objectifs de bon état mais aussi dans la perspective de l’adaptation au changement climatique.
Les problématiques liées la continuité écologique ne sont pas uniquement un phénomène français, il est européen, voire mondial car certaines espèces piscicoles migrent au delà-des côtes françaises pour se reproduire.
La restauration de la continuité écologique est définie par la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) comme la libre circulation des organismes aquatiques vers les compartiments indispensables à leur cycle de vie (alimentation, reproduction, abris, croissance), par le transport naturel des sédiments de l’amont à l’aval d’un cours d’eau et par le bon fonctionnement des réservoirs biologiques (connexions et conditions hydrologiques favorables).
Le code de l’environnement (CE) transpose la définition de la continuité écologique comme « la libre circulation des poissons migrateurs et le transport suffisant des sédiments ». On retrouve une continuité longitudinale (amont/aval), une continuité latérale (connexion avec le lit majeur, zones humides, annexes fluviales…) et une continuité verticale (liens entre la rivière et sa nappe).
La restauration de la continuité écologique s’est accélérée ces dernières années face au constat de l’érosion de la biodiversité. Cependant, la loi française oblige la construction « d’échelles à poissons » depuis la loi pêche de 1865 sur certains cours d’eau. Celle de 1984 demandait aux propriétaires de résoudre les problèmes de continuités dans les 5 ans.

Passe à poissons, Voray-sur-l'Ognon (70)

En 2010, le ministère en charge de l’écologie lançait un programme de restauration de la continuité écologique.

Ce programme avait pour objectif de réduire les effets de certains ouvrages portant atteinte à la continuité écologique des cours d’eau. Ce plan d’actions fut la première démarche incitative pour relancer la dynamique autour de la restauration de la continuité écologique.

En 2012/2013, le classement des cours d’eau au titre du L.214-17 du CE, basé sur les piliers du programme précédemment cité, est venu réitérer les objectifs nationaux sur la préservation et la restauration des cours d’eau. La restauration de la continuité écologique n’est plus incitative mais réglementaire via les listes I et II du même article. L’atteinte de l’objectif de bon état, imposé par la DCE, passe inévitablement par la restauration de la continuité écologique.

En 2019 puis en 2023, le ministère de la transition écologique et solidaire a lancé un nouveau programme « apaisé » en faveur de la continuité écologique. Les bases du programme ne changent pas, mais les objectifs sont argumentés, partagés et concertés avec les acteurs du territoire.

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