Les documents régionaux

PAYSAGES BOURGUIGNONS
Au-delà de leur diversité, les paysages de Bourgogne présentent certains traits de permanence. La région est un vieux territoire érodé, émoussé où tout est en bosse et en creux. Les formes du relief sont généreuses. Confortables et rassurantes, elles émanent la douceur. Concavité et convexité s’enchaînent en courbes et contre-courbes.

Rien n’est raide et si la géométrie s’introduit dans les vignobles, elle épouse toujours les lignes du terrain. Les reliefs plus acérés ou abrupts sont rares, ils suscitent la surprise et prennent d’autant plus importance.
Les vues sont larges, souvent panoramiques, animées de multiples plans qui donnent de la profondeur et une échelle au paysage. A l’exception de quelques rares cas de vallées encaissées ou de visions rapprochées plus ponctuelles, l’horizontalité, franche ou atténuée par la végétation, domine les paysages bourguignons ; les reliefs sont empâtés, les versants plus longs que hauts, le contact entre ciel et terre s’affirme. Il donne cette luminosité, souvent évoquée, avivée par la multiplicité des plans. Toute nouvelle implantation d’éléments est très sensible aux rapports d’échelle de l’espace et des vues environnantes.

Partout, la culture de la vigne a laissé ses traces ; vignobles relictuels ou en expansion, architecture vigneronne encore présente, transformée pour les besoins de l’élevage ou de la culture ou monoculture imposante, rappellent l’emprise et le rôle de la vigne dans la construction des paysages des quatre départements.

A l’exception des franges d’entre Loire et Allier et la Bresse, la pierre marque très fortement la région de sa présence, pierres exploitées des carrières ou provenant du long travail d’épierrage des champs. Maisons de pierre, petits édifices, puits sur une place, lavoirs, cadoles et cabotes, plus rarement abris de cantonniers ponctuent et animent les paysages de la région. Surprenantes, quasiment toutes sur le même modèle du Nord de l’Yonne au Brionnais, les croix de routes marquent la reconquête religieuse de la Bourgogne au XIXè siècle mais ce sont surtout les murs de pierre sèche appareillés et les murgers plus grossiers qui frappent le regard. Discrets ou évidents, ils courent la campagne, organisent le parcellaire, enclosent les jardins, soutiennent les terres de l’Yonne au Mâconnais, du Châtillonnais au Nivernais.

L’arbre aussi est très présent ; des bois, bosquets et haies, à l’arbre isolé et aux alignements de fruitiers des zones de grandes cultures, il anime le paysage, souligne les horizons des massifs forestiers du Châtillonnais, de plaine de Saône ou du Nivernais. Il est partout, crée des plans, donne du relief. Sur l’ensemble de la région, on note la présence constante de l’arbre fruitier dans les haies ou en rang vestige d’anciens vergers.

Enfin, l’eau draine et irrigue la région. Les rivières et les fleuves impriment leur passage dans les grands ensembles. Ils apportent nuances et variations paysagères. Les canaux qui les relient, les longent ou les domestiquent, hérités d’un savoir faire du XVIIIè siècle où fonctionnalité s’accordait avec esthétique et intégration, marquent avec discrétion mais force les quatre départements de la région. Sources, étangs, retenues, zones humides ponctuent discrètement le territoire.

Les grands types de paysages bourguignons

D’une façon générale, les paysages bourguignons offrent une image variée et attrayante, notamment grâce au relief vallonné et aux collines, au passage incessant de points hauts à des points bas qui diversifie les perspectives, à l’abondance des plans, des jeux d’ombres et de lumière, à la profondeur des champs de vision.

Les paysages dominants de forêts s’étendent sur environ 20% du territoire et se répartissent principalement :

- sur les plateaux calcaires du Châtillonnais et de l’arrière côte entaillés de larges vallées herbagères, où domine une forêt dense de feuillus (hêtraie) ;

- sur les plateaux calcaires du Nivernais, où la forêt de feuillus a été exploitée traditionnellement pour l’alimentation en de bois des forges ;

- le massif cristallophyllien du Morvan, où la forêt de feuillus est depuis les années 60 en concurrence avec la production de résineux.

Les paysages dominants de bocage (50% du territoire), ceinturent le Morvan et s’étendent avec un relief vallonné de colline sur tout le sud de la région (le Charolais). Il s’agit d’un paysage dominé par les structures végétales (arbres et haies) qui délimitent le parcellaire et soulignent les chemins et le relief. Les paysages de secteur herbager d’élevage, traditionnellement associés à une polyculture, ont tendance à évoluer vers un élargissement du maillage, une extension des terres cultivées et une ouverture du paysage (Auxois, Nivernais central, Bresse, Puisaye).

Les paysages dominants de cultures sont principalement localisés dans la plaine dijonnaise, sur les plateaux de l’Yonne et du nord de la Nièvre et sur la cuesta du pays d’Othe. Ce paysage de champs ouverts (grandes cultures céréalières et industrielles) est localement ponctué d’arbres ou de bosquets isolés, mais la perception dominante reste l’horizontalité des lignes.

Les paysages composites occupent une superficie importante sur la périphérie Nord et Est de la Bourgogne. Ils se rencontrent sur les plateaux du nord icaunais, dans les zones herbagères de l’Auxois, en Bresse et dans la plaine de la Saône.

Ce sont des espaces en mutation qui ont subi les évolutions des systèmes culturaux, les structures végétales initiales (bois et bosquets, haies, arbres isolés) ont tendance à disparaître. Elles ne subsistent que ça et là, sans grande logique paysagère au gré des besoins ou des abandons locaux. Le contraste entre les massifs forestiers et les espaces de grandes cultures y est souvent très présent.

Les paysages de vignobles, s’ils n’occupent qu’une faible superficie, jouent un rôle primordial dans la reconnaissance et l’identité régionale. La variété des situations des bassins viticoles leur confère une grande diversité. Ils se répartissent :

- sur les coteaux caillouteux du talus occidental de la plaine de la Saône, de Dijon à Chagny, sur ceux de l’Auxerrois ou sur le bord de la Loire où la vigne constitue une monoculture bien identifiée sur les pentes ;

- dans le Chalonnais et le Mâconnais, où ils sont associés à d’autres productions et s’étagent à mi-pente des coteaux et des collines entre prairies et champs, friches ou bois.

Les paysages de vallées alluviales, se présentent sous la forme de grands couloirs encadrés de versants dissymétriques : plaines de la Saône, de la Loire et de la basse vallée de l’Yonne. Leur fond plat est principalement occupé, en périphérie, par des cultures et par des prairies inondables bordées de haies. Les rives du cours d’eau sont soulignées par une ripisylve plus ou moins présente. L’intensification des systèmes agricoles et sylvicoles (peupleraie) et l’exploitation des gravières (notamment en val de Saône et en basse vallée de l’Yonne) modifient la perception paysagère de ces grandes vallées. Les structures végétales et les prairies inondables sont menacées par cette évolution, de même que leur ordonnancement "naturel".

La carte des grands ensembles paysagers de Bourgogne propose un inventaire des paysages de la région à la fin du XX ème siècle. Elle décrit leur état actuel, souvent différent des représentations traditionnelles encore très présentes dans les esprits. _ Elle traite des paysages à l’échelle de la région. Six grands systèmes de paysages sont recensés :

- Les systèmes paysagers de cultures dominantes

- Les systèmes paysagers forestiers

- Les systèmes paysagers bocagers

- Les systèmes paysagers de vignobles

- Les systèmes paysagers de vallées

- Les systèmes paysagers composites (mixtes)

Au Centre-Est de la France, au contact des influences atlantiques et continentales, des cultures nordiques et du monde méditerranéen, la Bourgogne offre une grande variété de paysages, tout en nuance, témoins de la vie de communautés qui ont su exploiter les contraintes et les richesses du sol.
Depuis les années soixante, la modernisation agricole a entraîné une évolution importante des campagnes. La situation économique, la réforme de la PAC, le passage à la mondialisation, laissent présager encore de nombreuses mutations que le développement et l’accélération des moyens techniques rendront plus inexorables.
Prévoir les conséquences des changements économiques et des grands aménagements sur les paysages, en réduire les impacts négatifs, sauvegarder des témoignages de nos racines sont des enjeux essentiels pour l’avenir. Une bonne connaissance des caractéristiques et de l’identité des paysages des terroirs est un préalable indispensable.

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