Plus de 40 000 ans d’occupation au sud d’Auxerre

A l’occasion des travaux préalables à la Liaison Sud d’Auxerre, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) a mené une fouille archéologique préventive de deux sites sur la partie sud du futur aménagement routier. Les opérations démarrées au mois de mars 2022 ont duré 4 mois et ce sont déroulées en périphérie sud de la commune d’Auxerre aux lieux-dits « Les Beauvoirs » et « Les Montardoins ». Le secteur investigué à cette occasion n’avait été que peu touché par les travaux archéologiques. Les chantiers, encore en cours d’étude, vont par conséquent permettre d’apporter un regard nouveau sur les connaissances de l’occupation ancienne du plateau auxerrois.

Au lieu-dit « Les Beauvoirs » : un habitat gaulois sur le plateau

La fouille du site d’Auxerre « Les Beauvoirs », menée sur une surface de 4000 m², a livré ce qui semble être une ferme de la fin de l’âge du Fer (- 800 au 1er siècle de notre ère). Cette découverte sur le plateau calcaire d’Auxerre, en fait un établissement original. En effet, dans la région, les activités archéologiques préventives se concentrent plus généralement sur les occupations de fonds de vallées, la Liaison Sud d’Auxerre a donc fourni une rare occasion de fouiller une occupation de plateau.

Une ferme gauloise comprend habituellement un espace principal délimité par un talus bordé de fossés, à l’intérieur duquel se trouvaient la maison d’habitation et des bâtiments abritant les activités domestiques, artisanales et agropastorales. Les dimensions de l’enclos et la taille des fossés révèlent la richesse du propriétaire. Autour de l’enclos se développe les espaces agricoles liés aux cultures et à l’élevage, ainsi que d’éventuels espaces annexes dédiés à des activités spécialisées (parcage des animaux, par exemple). L’établissement rural des Beauvoirs n’a pas livré d’enceinte avec fossé. Malgré l’absence de fossé périphérique, le site semble s’organiser grâce à quelques petits fossés parcellaires dans lesquels s’insèrent des bâtiments. Trois bâtiments sur quatre poteaux porteurs assez massif, typiques de la période de La Tène (450 et 25 avant notre ère) ont été découverts. Il s’agirait de deux bâtiments à vocation agricole (grange ?) ou domestique (maisons ?) et d’un autre bâtiment qui pourrait être un grenier, lieu de stockage surélevé pour les céréales cultivées et autres denrées. Deux autres aménagements sur petits poteaux, moins bien organisés peuvent aussi être aussi interprétés comme des bâtiments annexes assurant le fonctionnement de la ferme (activités artisanales).

La vocation agricole du site est confirmée par la découverte de meules va-et-vient en grès de Puisaye, servant à la mouture des céréales, et qui portent des traces d’outils métalliques. La pratique de l’artisanat est également pressentie grâce à la découverte d’une tige en fer cisaillée (probable chute lié au travail du forgeron).
Un chemin inattendu, attribué aux périodes médiévale-moderne et traversant le site, a par ailleurs pu être observé. Il a livré des clous d’attache de bandages de roue ainsi que des clous de ferrage d’équidés.
L’étude en cours des objets découverts, permettra d’affiner les périodes d’occupations et les activités pratiquées sur ce site.

Benjamin Defert, Inrap

Au lieu-dit « Les Montardoins » : une occupation diachronique exceptionnelle

Les opérations menées préalablement à l’installation du nouveau contournement de la ville d’Auxerre présentent sur le site des Montardoins un intérêt scientifique majeur. Les opérations archéologiques ont permis de documenter une occupation humaine longue et bien conservée sur la moyenne terrasse de l’Yonne, dans un contexte géographique pourtant soumis à une forte activité érosive. Au sortir de la fouille, les objets découverts ainsi que les vestiges observés permettent de différencier plusieurs phases d’occupation sur le site, du paléolithique moyen (300 000 à 40 000 avant notre ère) jusqu’à l’époque moderne.

Bien que quelques objets en pierre taillés du paléolithique moyen aient été enregistrés c’est au cours du paléolithique supérieur (40 000 à 9500 avant notre ère) qu’intervient la première phase d’occupation du site. Celui-ci pourrait correspondre à une halte de chasse ponctuelle sur laquelle les hommes travaillaient les matières dures animales (os, corne) comme en témoignent les nombreuses chutes de burin (fragment de pierre taillée). Cette première phase est suivie d’une nouvelle occupation plus structurée au cours du néolithique (6000 à 2200 avant notre ère) caractérisée par la découverte d’une fosse d’extraction de matière première de 8 m de longueur. Suite à l’abandon et au comblement de cette fosse par des rejets domestiques, le site continue d’être occupé. Pour autant aucun vestige d’un habitat structuré n’a été découvert sur l’emprise fouillée. La parcelle semble, en l’état actuel de l’étude, abandonnée à la période gauloise. Elle ne sera d’ailleurs réoccupée qu’à partir de la période dite de La Tène (450 à 25 avant notre ère), comme en témoigne l’installation d’une nécropole et d’un établissement rural. La parcelle est laissée à l’abandon au cours de la période antique et ce jusqu’à la fin de l’époque médiévale. Des traces de réoccupations agricoles du site apparaissent régulièrement au sein de l’emprise (limites parcellaires en pierre, chemin et fosses de plantation ou de clôture).

La phase d’analyse en laboratoire lancée à l’issue de la fin de la fouille permettra grâce au support de nombreux spécialistes (géomorphologue, anthropologue, céramologues, lithiciens, géomorphologues, archéozoologues, etc…) de mettre en relation l’ensemble des données pour parvenir à la compréhension complète du site.

Thibault Le Cozanet, Inrap

Aménagement : DREAL Bourgogne-Franche-Comté
Contrôle scientifique : Service Régional de l’archéologie (Drac Bourgogne-Franche-Comté)
Recherche Archéologique : Inrap
Responsables scientifiques : Benjamin Defert, Thibault Le Cozanet